Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait


« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait »

Mark Twain


Evénement à l’initiative du groupe « Sortons de notre bulle »


La journée mondiale de sensibilisation à l’autisme est le 2 avril.
Dans ce cadre, l’ASPH de Liège organise un événement pour les personnes autistes.
L’objectif est de leur proposer de participer à une activité de leur choix en inclusion, selon leurs centres d’intérêts.
En 2019, 3 personnes ont participé à cette activité : Laura, Alain et Thomas.
Tous trois ont choisi d’essayer un métier.
Chacune des activités est minutieusement préparée.
La personne autiste est accompagnée d’un membre du groupe « Sortons de notre bulle » et d’une animatrice ASPH.
Avant le jour J, une rencontre est prévue avec la personne de contact sur place, afin d’apprendre à faire connaissance.


Laura, réassortisseuse d’un jour au magasin
de l’association « Assistance à l’Enfance »

Laura adore ranger et trier ce qui est en désordre dans les allées des magasins.
Le 2 avril, elle a travaillé au magasin de seconde main « Assistance à l’Enfance », à Liège.
Pendant 1h, elle plie et range les vêtements pour bébé dans des paniers sur roulettes.
Elle travaille dans la salle dans le fond du magasin afin de ne pas être « incommodée » par les bruits.

Laura est très contente de cette expérience :
« J’ai bien aimé plier et ranger les vêtements.
J’aime bien plier le linge. »

Lilliana, membre du groupe « Sortons de notre bulle » et maman de Laura, est enchantée :
« Laura m’a dit au-revoir alors qu’il n’était pas prévu que je parte.
J’ai donc fait semblant de partir.
J’étais étonnée mais heureuse car c’est un pas de plus pour elle vers l’autonomie. »
Lilliana retient de cette expérience que Laura est « capable » :
« Elle s’est adaptée à un nouveau milieu, avec de nouvelles personnes.
Evidemment, cela demande beaucoup de préparation.
Mais elle l’a fait ! »
Laura a des difficultés pour exprimer son ressenti après l’activité.
Mais Lilliana est persuadée que Laura est fière de son travail :
« Participer à ce genre d’action est très valorisant pour une personne autiste. »

Nathalie, responsable du magasin, est ravie du travail de Laura :
« J’ai été épatée !
Laura est autonome et rapide.
J’ai d’ailleurs dû prévoir d’autres vêtements à plier. »
Au départ, Nathalie a un peu peur.
Peur de ne pas en faire assez ou peur d’en faire de trop.
Ses échanges avec Laura et Lilliana avant l’activité la rassurent.
Finalement, tout se passe à merveille !
A refaire, Nathalie recommence avec grand plaisir :
« Laura était enthousiaste.
Elle est arrivée avec un grand sourire.
Elle a même commencé plus tôt alors que, à la base, elle tient à respecter les horaires. »

Nathalie parle parfois avec des clients dont l’enfant est autiste.
Elle entend les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien.
Notamment au niveau du manque de place dans les lieux d’accueil adaptés.
Cela lui donne envie de mieux comprendre l’autisme.
Avant, elle imaginait les personnes autistes comme des êtres fermés à la communication.
Aujourd’hui, ça a changé :
« Laura m’a un peu parlé, notamment de musique.
Ça m’a fait plaisir qu’elle communique avec moi. »
Avec Laura, Nathalie a découvert une conception différente de la communication, plus en filigrane mais bien réelle.

Pour la remercier de son travail, Nathalie offre quelques cadeaux à Laura, dont une carte avec un petit mot.
Laura la mise sur le bureau dans sa chambre.
Pour Lilliana, cela signifie que Laura a apprécié le geste et qu’elle veut garder un souvenir de cette expérience et de la relation avec Nathalie.

Nathalie conclut en nous disant :
« Finalement, tout le monde peut aller à la rencontre de l’Autre.
En gardant une certaine simplicité et l’envie de le rencontrer.
Laura peut revenir nous aider quand elle le souhaite. »


Alain, caissier d’un jour
à l’épicerie « Le Temps des Cerises »

Alain a une idée claire : essayer le métier de caissier quelques heures.
Le 5 avril matin, vous avez pu l’apercevoir à la caisse de l’épicerie « Le Temps des Cerises ».

D’abord, Alain découvre le magasin le temps d’une matinée.
Pendant ce moment, il apprend :
– les types de produits qui sont vendus,
– comment ces produits sont classés et encodés,
– comment les enregistrer à la caisse.
Il rencontre aussi le personnel et visite les lieux.

C’est l’occasion pour les employés de nouer un premier contact avec Alain, de comprendre sa personnalité, son fonctionnement, ses envies,
ses craintes et ainsi de faire tomber les appréhensions.
Bref, une matinée de préparation intéressante et bien remplie !

Le jour de l’activité, Alain est ultra motivé et préparé.
Il a sur lui un récapitulatif des codes des articles pour la caisse.
Dès le début, nous observons une complicité et une confiance mutuelle s’instaurer entre Alain et la personne qui l’accompagne sur place, Agnès.
Alain apprécie de travailler avec elle.
Il est réellement question de faire AVEC Alain et non de le faire à sa place.

Agnès est étonnée des capacités d’Alain pour mémoriser et calculer.
Elle lui laisse d’ailleurs des libertés quand elle voit qu’Alain maîtrise le sujet :
« Il y a 5 gaufres à 1,75€ », dit Agnès.
Alain répond alors du tac au tac :
« 8,75€. »
Agnès laisse ainsi Alain calculer, tout en étant présente si nécessaire.

Le témoignage d’Agnès :
« C’est une chouette expérience.
Que du plaisir à partager une partie du travail.»
« Même si j’avais une légère appréhension avant la première rencontre, cela s’est très vite dissipé. »
« J’étais étonnée de voir qu’Alain allait incroyablement vite et qu’il était très efficace.
Il apprend très vite, il s’implique beaucoup et est très endurant et posé. »

Après une matinée bien chargée, Alain nous évoque le plaisir qu’il a à apprendre et découvrir ce métier.
Pour lui, le travail lui permet d’avoir cette satisfaction d’être utile pour la société :
« J’aime bien apprendre comment fonctionne la caisse, les codes, faire les comptes. »
« Je m’amuse vraiment bien », nous fait remarquer Alain lorsque Agnès lui laisse la possibilité de calculer lui-même les totaux.
« J’aime beaucoup me rendre utile, c’était une très bonne idée d’engager des autistes, il faudrait faire ça plus souvent. »

Le fait d’être accompagné à son rythme lui permet d’être à l’aise,
en confiance, et de fournir un travail de qualité.
Les clients en sont mêmes ravis.
Voici quelques commentaires de clients recueillis à leur sortie du magasin :
– « Fort sympathique et aimable »,
– « Beau travail d’équipe »,
– « Une belle initiative que de former quelqu’un, ça fait toujours plaisir ».

Marie-Cécile est membre du groupe « Sortons de notre bulle ».
Elle est présente sur place également.
Cette expérience la conforte dans son idée :
« Certaines personnes autistes sont aptes à travailler.
Malheureusement, on ne leur en donne pas assez souvent l’opportunité.
Bien sûr, une adaptation est nécessaire.
Et la bienveillance des personnes autour est primordiale. »


Thomas, boulanger d’un jour
à la boulangerie « Un pain c’est tout ! »

Thomas souhaite apprendre à faire du pain et des gâteaux.
Le 7 avril, à 5h du matin, il se rend donc à la boulangerie
« Un pain c’est tout ! », à Liège.
Thomas y fait du pain et des petites pâtisseries.
Mais il aide aussi à faire la vaisselle et à nettoyer l’atelier.
Ensuite, il sert un peu les clients dans la boulangerie.
Après 6h de travail, il est un peu fatigué mais très content de lui.

Isabelle, membre du groupe « Sortons de notre bulle » et maman de Thomas, découvre quelque chose à propos de son fils :
« Je sais que Thomas peut se concentrer longtemps sur une activité.
Mais je ne pensais pas qu’il serait encore aussi dynamique après la boulangerie ! »

Sur place, elle voit Thomas motivé et épanoui :
« Ce genre d’expérience est très positive pour la confiance en soi. »
Isabelle apprécie également la manière dont Philippe, le boulanger, accompagne Thomas dans son travail :
« Philippe s’adresse directement à Thomas.
Il veille à ce que Thomas ne reste pas inactif.
C’est très positif ! »

Pour Philippe, son rôle est de s’assurer que Thomas fait bien son travail :
« Ce qui est fait a été bien fait.
Je ne suis pas passé derrière. »

Après avoir produit, il faut vendre !
Mais avant, petite pause.
Thomas déguste la soupe de Nejma, qu’il apprécie beaucoup.

C’est l’heure de passer dans la boulangerie, avec Nejma cette fois.
Thomas se place à côté de la trancheuse et coupe le pain pour les clients.
C’est très valorisant pour Thomas de se rendre compte que le pain qu’il a fait est vendu par la suite.

Nejma explique qu’être derrière le comptoir, c’est beaucoup de stress :
« Je voyais Thomas gesticuler et un peu courir.
Lors de la réunion de préparation, nous avons appris que ce comportement peut traduire un stress chez lui.
Mais il a très bien géré. »
Certains clients l’ont même encouragé !

Nous terminons avec le témoignage de Philippe, qui apprécie énormément prendre part à ce genre d’action :
« C’est toujours intéressant d’aller à la rencontre de quelqu’un qui ne lit pas le monde comme nous.
La boulangerie a d’intéressant qu’elle met tout le monde sur un même pied d’égalité.
Comme le dit Albert Jacquard : La rencontre avec l’Autre est de l’ordre du sacrifice.
Il y en a qui voyage beaucoup.
Mais moi, en restant ici, je voyage plus loin. »